A propos de l’article sur Clermont dans « Volume »

Publié le par gromulo


Depuis quelques mois maintenant, je rumine notre dispute avec la coopé (voir l'article du même nom, plus haut). Elle avait démarré avant, la méfiance, mais se confronter à ces petites mesquineries qui font bien voir un rapport malsain au pouvoir a permis de voir clair tout d’un coup. Alors on a pris le nom de ce petit notable de province et on l’a traîné dans la boue. On a fait rire de lui un peu.

Et c’est tout. On a tous pu lire un très bon résumé de la situation dans les inrocks (en fait dans « volume ») : « la flamme de l’alternatif irréductible » mais aussi « l’anecdote », voilà ce que nous représentons. Un peu « exagérés », et « nécessaires » pour se rassurer et oublier que par ailleurs, tout continue dans un grand silence.

Le même article le montre bien : la coopé est partout, elle a tous les moyens, elle achète toutes les consciences et occupe tout l’espace. Mais je ne suis pas d’accord avec ce tableau : notre place n’est pas celle-là, en réalité. Nous ne sommes pas une critique, une épine dans le pied, ni des extrémistes. Nous avons raison contre la coopé. Si ça n’en a pas l’air, c’est parce que nous sommes petits, nous avons plein d’autres choses à faire que de mener cette bataille et même que de faire de la musique. Mais ça n’empêche pas que nous avons raison.

La musique est un bizness, pas encore assez sans doute puisque le Transfo pousse à la professionalisation et à la réussite commerciale (ce qui est sans doute l’intérêt du secteur, pas forcément celui des musiciens à qui ce discours croit s’adresser – mais quand simon pourret déclare que le but du jeu est d’amener les musiciens au marché, il se parle à lui-même, il ne faut pas l’écouter). Mais quand même tous les musiciens se résignent à chercher une petite gâche dans le tableau, à occuper une petite niche et à faire des petits cachets. Tant qu’ils jouent à ça, ils ne peuvent pas faire autrement que de faire des compromis avec le patron. Nous en faisons tous, dans tous nos métiers, avec tous nos patrons. Mais ailleurs, on n’est pas dupes, on ne confond pas ses intérêts avec ceux du patron, et on ne se sent pas obligé de croire que le patron est cool. On admet juste que c’est lui qui a le pognon et le pouvoir. En général, ça nous fait bien rire quand on nous dit que ce sont les patrons qui font les choses, que ce sont les grands capitaines d’industrie qui font la puissance de l’économie. Alors pourquoi ça ne nous fait pas rire de même quand on nous dit que c’est la coopé qui fait la musique à clermont ? C’est bien plutôt plusieurs générations de gens qui ont dit : je vais en faire, j’en suis capable, j’en ai envie. On ne joue plus pour les veillées ou pour le 14 juillet, mais pour d’autres occasions et d’autres motifs plus sérieux : en sortant du boulot, en sortant de chez soi, sur du temps perdu, pour échapper. On joue parce qu’on ne peut pas faire autrement. On va voir des concerts parce qu’il peut se passer enfin quelque chose, parce qu’il peut se dire enfin quelque chose de vrai.

La coopé et ce genre de salle, si on regarde bien, fait tout pour tuer ce rapport-là à la musique. Elle sépare l’artiste du public, elle fait croire que toutes lesmusiques peuvent se succéder dans le même dispositif et qu’au fond, elles ont toutes le même sens. Que la culture, donc, ce n’est pas dire « ça c’est intéressant et ça, ça ne l’est pas » ou bien « ça, c’est mieux et ça c’est moins bien », elle dit « la culture, ce sont des produits qui se valent tous au fond », elle dit qu’il faut par-dessus tout être tolérant plutôt que d’avoir un avis et cultiver son goût. Elle dit : « la culture, ce sont des produits qu’on vient contempler ». Et puis après, on rentre chez soi et on reviendra la semaine prochaine.

D’un côté, les musiciens qui disent : la musique est à nous, on s’en occupe, on se prend par la main et on la fait nous même. De l’autre, une salle qui dit : laissez-moi faire, je sais mieux que vous. Soit exactement le contraire. Ça ne pouvait pas marcher. Et de fait : « il se passe de moins en moins de choses intéressantes à la coopé », disait aussi l’article. C’est qu’on n’a jamais pu mettre la main sur cet endroit, jamais pu y mettre du nôtre, ça ne nous a jamais appartenu. Au début, on a essayé, on y a dansé et on a écrit sur les murs des chiottes, on y a invité des copains. Mais ils ont tout effacé, tout empêché et finalement, on s’est aperçu que là-bas, il ne se passait rien d’intéressant, on pouvait s’y payer un spectacle de temps en temps, et puis repartir. Mais on pourrait ne pas venir du tout, ça ne changerait rien à ce truc qui tourne tout seul. On s’en est désintéressés.Il faut continuer à arrêter d’aller là-bas et recommencer à faire nos trucs. Ne doivent continuer à y aller que ceux à qui ça rapporte du pognon, et qui en ont besoin. Mais même eux, demandez-leur si c’est à la coopé qu’ils organisent les soirées qui leur tiennent à cœur.    

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